Le Tour de la Méditerranée en VéloSoleX en 1951
RETRO-PASSION
n° 171 de Février 2005
La Méditerrannée en Vélosolex
Le temps des pionniers
Les raids et voyages vers les contrées
éloignées sur tous les continents ne se comptent plus, mais les
aventuriers qui ont choisi les deux-roues pour parcourir le monde sont
peu nombreux.
Le cyclomoteur ou le vélomoteur est réservé à quelques intrépides et leurs
récits ou souvenirs souvent inexistants.
A 23 ans Jacques Gautho-Lapeyre est un amoureux des voyages et des grands
espaces, qui lui ont déjà permis de visiter en deux roues
la Suède et les pays scandinaves. En 1950 c’est l’Egypte qui l’attire,
et il se penche durant des mois sur les cartes et les itinéraires,
demande les visas nécessaires et potasse la documentation sur les
pays qu’il devait visiter. Huit mois de préparatifs, quatre mois
de voyage, plus de 9 000 kilomètres à travers l’Italie, la Grèce,
l’Egypte, la Libye, la Tunisie, l’Algérie, le Maroc et l’Espagne,
voilà l’exploit accompli par un jeune clermontois au guidon de « la bicyclette
qui roule toute seule ».
Quittant Clermont-Ferrand le 12 novembre 1950, Jacques Gautho-Lapeyre
est un sportif doublé d’un campeur confirmé, attiré par
le désert et les grandes batailles qui s’y tinrent quelques années
plus tôt. Rome, Naples, Brindisi sont les premières étapes
avant de s’embarquer pour le Pirée, où pour se mettre en jambes,
il effectue 180 kilomètres dans la région d’Athènes. Puis direction
Alexandrie où la déception est grande, car un pays n’est jamais
comme la représentation que l’on s’en est faite.
"Je m’attendais à trouver dans ces régions un temps chaude et à y souffrir
de la soif et c’est le froid qui m’y surprit. Un vent violent soufflait
sur le plateau de la Libye et freinait ma marche. Pourtant chaque jour
j’abattais 100 à 150 kms. Et je couvrais la distance en 5, 7 ou 9 heures
et jamais le matériel ne m’a lâché…"»
Les brigands de grand chemin, armés jusqu’aux dents, sont aussi au rendez-vous
mais le laissent passer sans difficultés, lui permettant de relier le
sud tunisien à Alger en deux semaines. Il rentra en France pour s’y marier
et ayant assez roulé, il était semble-t-il guéri de déplacements. Il repartira
vingt ans plus tard, mais accompagné de son épouse, et sur quatre roues,
car durant ce périple la solitude avait été son pire ennemi.
Un matériel sans histoires
Un VeloSoleX de série (1er modèle), simplement équipé
d’une selle plus confortable, d’un guidon télescopique, de réservoirs
d’essence et de mélange supplémentaires et équipé
d’un porte-bagages renforcé a démontré les possibilités
du vélomoteur, qui allait effectuer son périple sans incident
ou accident majeur. D’Alexandrie à Casablanca sur près de 5 000
kms. Notre aventurier a du lutter contre un vent d’ouest qui ralentissait
considérablement sa marche, le sable rentrant partout et malgré
cela le moteur n’a jamais chauffé. La route, parfois recouverte
par les dunes qui se déplaçaient, voyait le VeloSoleX s’enfoncer jusqu’aux
axes de roue. Malgré des mélanges de carburants plus ou
moins purs, des différences de température et de climat
considérables, le moteur a toujours fonctionné normalement
avec quelques décalaminages qui malgré tout lui assurèrent
des étapes quotidiennes de 150 kms. Au bilan des incidents techniques
: quatre crevaisons, un porte-bagages faussé par une chute violente
et quelques défauts d’allumage suite à un excès de calamine
dans l’échappement. L’endurance et la qualité de fabrication
du VeloSoleX étaient bien démontrées et il n’était qu’au début
de sa longue carrière
Texte et encarts suivants signés
Jacques Gautho-Lapeyre
Un VeloSoleX bien préparé
Les accessoires du départ étaient toujours en place à l’arrivée
:
Un guidon à ressorts amortissait les chocs
Au dessus du pédalier se logeait un petit réservoir contenant
½ litre d’huile fluide afin de faire un mélange à 6%. Le bouchon
du réservoir était la mesure à mélanger avec
l’essence pure. 5 litres d’essence + 1 litre moteur + ½ litre d’huile
= 6,5 litres de carburant donc 650 kms. d’autonomie.
Un réservoir dans le col de cygne augmentait de 5 litres la provision
de carburant
Derrière les deux sacoches se logeaient deux réservoirs
dans la triangulation du porte-bagages, soit 4 litres d’eau + 1 litre
dans ma gourde.
Sous la selle un petit réchaud à essence.
En bout de porte-bagages : la trousse à outils.
Et tout un fourniment dans les deux grosses sacoches en toile (matériel
de couchage, vêtements de rechange, appareil photo et cinéma, pharmacie
dans l’une, poncho en toile huilée, matériel de cuisine,
vivres dans la seconde.
Considérations sur le voyage en VeloSoleX
La date, 1951, l’époque, juste après le terrible conflit
mondial 1939-1945, doivent être rappelés dans toute la partie
du récit ou des raisonnements, considérations et conclusions.
Le grand tourisme n’existait pas, il fallait des visas partout. Les changes
de monnaie étaient difficiles et la documentation quasi introuvable.
Le pétrole n’avait pas été découvert en Libye et aux emplacements
des tentes de bédouins se trouvent certainement aujourd’hui des
constructions. Même à la pointe de l’Espagne en 1951, la route côtière
n’était pas bitumée et il fallait faire d’importants trajets avant
de trouver une pompe à essence. Je m’étais promis de venir en voyage
de noces dans le ravissant village de Benidorm, je n’y suis retourné
que 30 ans plus tard, les quelques maisons de pêcheurs étaient devenues
des immeubles de plusieurs étages.
Le cyclomoteur ou le vélomoteur est
réservé à quelques intrépides et leurs récits ou souvenirs souvent inexistants.
A 23 ans Jacques Gautho-Lapeyre est un amoureux des voyages et des grands
espaces, qui lui ont déjà permis de visiter en deux roues
la Suède et les pays scandinaves. En 1950 c’est l’Egypte qui l’attire,
et il se penche durant des mois sur les cartes et les itinéraires,
demande les visas nécessaires et potasse la documentation sur les
pays qu’il devait visiter. Huit mois de préparatifs, quatre mois
de voyage, plus de 9 000 kilomètres à travers l’Italie, la Grèce,
l’Egypte, la Libye, la Tunisie, l’Algérie, le Maroc et l’Espagne,
voilà l’exploit accompli par un jeune clermontois au guidon de « la bicyclette
qui roule toute seule ».
Quittant Clermont-Ferrand le 12 novembre 1950, Jacques Gautho-Lapeyre
est un sportif doublé d’un campeur confirmé, attiré par
le désert et les grandes batailles qui s’y tinrent quelques années
plus tôt. Rome, Naples, Brindisi sont les premières étapes
avant de s’embarquer pour le Pirée, où pour se mettre en jambes,
il effectue 180 kilomètres dans la région d’Athènes. Puis direction
Alexandrie où la déception est grande, car un pays n’est jamais
comme la représentation que l’on s’en est faite.
"Je m’attendais à trouver dans ces régions un temps chaude et à y souffrir
de la soif et c’est le froid qui m’y surprit. Un vent violent soufflait
sur le plateau de la Libye et freinait ma marche. Pourtant chaque jour
j’abattais 100 à 150 kms. Et je couvrais la distance en 5, 7 ou 9 heures
et jamais le matériel ne m’a lâché…"»
Les brigands de grand chemin, armés jusqu’aux dents, sont aussi au rendez-vous
mais le laissent passer sans difficultés, lui permettant de relier le
sud tunisien à Alger en deux semaines. Il rentra en France pour s’y marier
et ayant assez roulé, il était semble-t-il guéri de déplacements. Il repartira
vingt ans plus tard, mais accompagné de son épouse, et sur quatre roues,
car durant ce périple la solitude avait été son pire ennemi.
Un matériel sans histoires
Un VeloSoleX de série (1er modèle), simplement équipé d’une
selle plus confortable, d’un guidon télescopique, de réservoirs d’essence
et de mélange supplémentaires et équipé d’un porte-bagages renforcé a
démontré les possibilités du vélomoteur, qui allait effectuer son périple
sans incident ou accident majeur.
Un matériel sans histoires
Un VeloSoleX de série (1er modèle), simplement équipé
d’une selle plus confortable, d’un guidon télescopique, de réservoirs
d’essence et de mélange supplémentaires et équipé
d’un porte-bagages renforcé a démontré les possibilités
du vélomoteur, qui allait effectuer son périple sans incident
ou accident majeur. D’Alexandrie à Casablanca sur près de 5 000
kms. Notre aventurier a du lutter contre un vent d’ouest qui ralentissait
considérablement sa marche, le sable rentrant partout et malgré
cela le moteur n’a jamais chauffé. La route, parfois recouverte
par les dunes qui se déplaçaient, voyait le VeloSoleX s’enfoncer jusqu’aux
axes de roue. Malgré des mélanges de carburants plus ou
moins purs, des différences de température et de climat
considérables, le moteur a toujours fonctionné normalement
avec quelques décalaminages qui malgré tout lui assurèrent
des étapes quotidiennes de 150 kms. Au bilan des incidents techniques
: quatre crevaisons, un porte-bagages faussé par une chute violente
et quelques défauts d’allumage suite à un excès de calamine
dans l’échappement. L’endurance et la qualité de fabrication
du VeloSoleX étaient bien démontrées et il n’était qu’au début
de sa longue carrière
LA MONTAGNE du 20
Mars 1951
Voyage autour de la Méditerranée
En quatre mois, Jacques Lapeyre, sur un vélomoteur a accompli seul
un périple de plus de 9.000 kilomètres.
Parti de Clermont-Ferrand le 12 novembre dernier, et après plus
de quatre mois d'absence, un jeune sportif clermontois (originaire de
Bretagne) est rentré samedi après-midi, après avoir
effectué sur son vélomoteur SoleX une magnifique randonnée
solitaire de 9.300 kilomètres, randonnée qui l'a amené,
par l'Italie et la Grèce, en Egypte, ensuite dans le désert,
à travers la Cyrénaïque, la Tripolitaine, la Tunisie,
l'Algérie, le Maroc, avec retour par l'Espagne, en suivant la côte
méditerranéenne, puis et enfin le Midi de la France, Sète,
les Gorges du Tarn, la Lozère, La Haute Loire, Brioude, dernière
étape avant le chaleureux accueil des camarades du club :
l'Amicale Cycliste Clermontoise. En accomplissant seul, avec un matériel
de série, une telle randonnée, longue de plus de 9.000 kilomètres,
un si beau périple autour du bassin méditerranéen,
Jacques Lapeyre, avec cette ténacité commune aux Bretons
et aux Auvergnats, a réussi un bel exploit sportif et a fait une
vivante démonstration de la foi et de l'ardeur qui animent la jeunesse
française.
Un jeune sportif
Mais avant d’entreprendre de faire une relation de ce beau voyage, gâché,
hélas ! en partie, par le mauvais temps, soit par un mauvais vent
qui soufflait toujours… et toujours de l’ouest, il convient de présenter
Jacques Lapeyre, un jeune sportif à l’allure décidée, qui
en diverses circonstances a su démontrer qu’il avait du cran.
Né à Saint-Brieuc (Côtes du Nord) le 7 mai 1927, Jacques Lapeyre
passa sa jeunesse en Bretagne, puis suivi sa famille à Reims où il résida
plusieurs années.
En juin 1944, à peine âgé de 17 ans, il déserte le
collège et les études classiques pour gagner un maquis dans
le Cantal où il restera jusqu’au mois d’août. A cette époque, il
est dirigé avec d’autres jeunes , sur Dijon, et alors que l’occupant
décroche de toutes parts, il s’engage dans les rangs de la 1ère
Armée Française, prend part aux combats de l’Est, en Lorraine,
en Alsace, ou il est cité et décoré de la croix de guerre.
Avec l’Armée Rhin et Danube il prend part à l’avance victorieuse
en pays ennemi.
Démobilisé à la fin de son engagement, il rejoint sa famille,
puis vient en Auvergne, à Clermont-Fd, où il se fixe et
crée un commerce d’articles de sport, près de la grande
Poste de Saint-Eloy.
Jacques Lapeyre pratique l’athlétisme, le sport qu’il aime entre
tous, sous les couleurs de l’A.S. Montferrandaise, faisant un peu de cross
l’hiver, et se spécialisant, sur la cendrée, sur 1.500 mètres.
Par ailleurs, il a le goût très vif du camping et des voyages. Il
y a deux ans, il entreprit avec un camarade, un voyage à travers les pays
scandinaves, en passant par l’Angleterre pour gagner la Norvège,
la Suède, le Danemark et la Hollande ; cette randonnée ayant
été accomplie à pieds, ou grâce à l’auto-stop. Et parfois Jacques
Lapeyre n’hésita pas à travailler pour se créer de nouvelles ressources
et subvenir à ses besoins.
Et depuis plusieurs mois, après des journées bien remplies dans
son petit magasin, si accueillant du quartier Saint-Eloy, Jacques Lapeyre,
qui aime beaucoup, soit dit en passant, les romans de Pierre Loti, mettait
au point son voyage autour de la Méditerranée. Et c’est
le 12 novembre 1950, il y a un peu plus de quatre mois, que Jacques Lapeyre
mettait le cap sur Nice et, de là, gagnait la frontière italienne.
La grande randonnée était commencée.
En route…
« L’Egypte, puis le désert, qui fut il a quelques années
le théâtre de tant de batailles, présentaient pour
moi, » nous déclare Jacques Lapeyre, « un grand attrait ; le mystère
dont ces pays s’enveloppent, surtout aux yeux des Français, des
Européens, exerçait sur moi un pouvoir qui m’engageait à
partir ».
« Je quittais la France le 14 novembre par la frontière italienne.
Je partais avec un équipement de camping, vivres pour quelques
jours, tente, sac de couchage, appareil de photo et petite caméra. J’enfourchais
une bicyclette tourisme équipée d’un moteur auxiliaire SoleX et
à moi les horizons nouveaux ».
A travers l’Italie, Rome, Naples, Salerne et l’Adriatique furent les principales
étapes du début de cette grande randonnée avant d’embarquer
à Brindisi, en direction du Pirée; puis après une courte escale
en Grèce, nouvel embarquement pour Alexandrie, Alexandrie la porte
de l’Egypte, et le début de la grande aventure à travers le désert.