Le Tour de la Méditerranée en VéloSoleX en 1951
Un grec vivant en Egypte à Alexandrie a offert le gîte à monsieur Jacques Gautho-Lapeyre, il a profité de cette rencontre pour essayer son Vélosolex.
LA MONTAGNE du 21 Mars 1951
(suite)
Voyage autour de la Méditerranée
Où Jacques LAPEYRE, traversant les champs de bataille d’El Alamein,
de Marsa-Matruh, Tobrouk, Bir-Hakeim, Benghazi a trouvé à chaque
tour de roue des vestiges des sanglants combats.
Dès le début de la randonnée, Jacques Lapeyre adopta l’alimentation
méditerranéenne : cuisine à l’huile d’olive et grande quantité
de fruits. Chaque soir, il dressait sa petite tente dans un décor différent,
recevant partout, à quelques très rares exceptions, un bon accueil, particulièrement
dans les campagnes, où les conditions de son voyage étonnaient ses hôtes
d’un jour.
Arrivé à Alexandrie, J. Lapeyre, éprouva une première déception. « Jamais
un pays ne peut apparaître tel que l’imagination le crée. Certes pour
connaître l’Egypte des Pharaons, il aurait fallu que je descende beaucoup
plus bas, dans la fameuse vallée des rois, à Louqsor, et dans la vallée
fertile du Nil. »
Après quelques jours passés à Alexandrie et aux environs, Jacques Lapeyre,
ressaisi par la passion de voir du nouveau, toujours du nouveau, entreprit
alors la plus dure partie de son voyage, la traversée du désert syrtique
en direction de la Tunisie.
Comme il ne faut pas badiner avec « ce grand monsieur qu’est le désert
», notre jeune sportif avait tout prévu… sauf le vent d’ouest. Il emportait
avec lui deux pneus de rechange, douze jours de vivres et huit litres
d’eau. Mais laissons la parole, ou plutôt la plume, maintenant à Jacques
Lapeyre, pour nous conter sa randonnée à travers le désert.
DES CAILLOUX ET QUELQUES MAIGRES ARBUSTES
« J’ai quitté Alexandrie le 14 décembre, en prenant la route de
la côte. Immédiatement après la sortie de la ville, je suis rentré en
contact avec le désert égyptien, immense étendue de terrain où poussent
surtout des cailloux ; par endroit, quelques minuscules arbustes verts,
ou alors des touffes d’épineux sortant du sol. De tels lieux sont pompeusement
baptisés « pâturages à chameaux ». On trouve tout de même, chaque cent
kilomètres, des villages qui eurent noms célèbres : El-Alamein, un groupe
de quatre maisons près d’un cimetière qui groupe plus de huit mille tombes
de soldats anglais ; Marsa-Matrouh, coquette oasis aux maisons blanches
; Sidi-Barrani un bled ; Sollum, imposant par sa nécropole.
« Tout le long de la route, les vestiges des durs combats qui se déroulèrent
en ces lieux sont encore très nombreux.
« Huit ans ont pourtant passé, et il subsiste de terribles souvenirs dans
les sables. A El-Alamein, les vestiges de l’Afrika-Korps.
Par milliers, des bidons rouillés qui transportèrent eau et essence jonchent
le sol ; les carcasses décharnées des camions, et celles plus massives
des blindés forment des tâches brûnes sur le sable blanc et éclatant de
lumière. Je n’aurai jamais imaginé la destruction d’une telle quantité
de matériel, car bien que la récupération des métaux et pièces diverses
soit devenue une véritable industrie pour de nombreux arabes, il n’est
pas une place où le regard n’accroche que le sable.
« J’ai eu très chaud dans cette partie du parcours où, roulant toujours
vers l’ouest, j’avais la jambe gauche et la moitié du visage complètement
cuits. Par contre, les nuits étaient très froides et parfois d’une forte
humidité, et ma minuscule tente installée près des postes de police égyptiens
ne suffisait pas à me garantir des rigueurs de la nuit.
UN ENNEMI : « LE VENT D’OUEST
« Après la frontière égyptienne, frontière naturelle puisqu’elle
se confond avec les contreforts du plateau libyen, j’ai quitté
les grandes chaleurs pour trouver un ennemi bien plus redoutable pour
moi, pauvre cycliste : le vent. J’ai pris à peu près toutes les
directions, néanmoins j’ai toujours eu le vent de face s’opposant
à mon avance et réduisant les étapes prévues de plus du
quart, et cela avec une grande fatigue physique. Rouler, toujours rouler
vent debout, cela devient obsédant.
« A Tobrouk, le petit port qui dessert toute la Cyrénaïque,
mais où l’eau potable est apportée en citerne roulante, j’ai trouvé
la première garnison anglaise. Et au contact des gens d’Albion j’ai retrouvé
la civilisation européenne et ses obligations vestimentaires.
«CHRISTMAS » DANS UN POSTE ANGLAIS
« A Derna, où j’arrivais le 24 décembre, deuxième garnison anglaise
sur ma route, j’ai accepté l’invitation de passer les fêtes
du «Christmas» en compagnie du mess des officiers de l’hôpital et
pendant cinq jours, dans un costume d’emprunt, j’ai été
l’hôte de nombreuses familles anglaises et je dois rendre hommage
à la chaleur de leur accueil. Mon rang de « sportman français »,
c’était mon nom, me donnait entrée partout, selon les vieilles
traditions de « l’Entente Cordiale », comme l’affirmait le major Stilley.
A mon départ le major Stilley me dota d’ailleurs d’une lettre de
recommandation et jusqu’à Benghazi j’ai eu chaque soir, un gîte
accueillant dans des mess anglais, tous d’un grand confort.
UN PEU DE VERDURE ET A NOUVEAU
LE DESERT
Après ce repos, j’ai repris la route dans la fameuse plaine de
Barce, très fertile avec des champs de blé à perte de vue,
pour atteindre le 29 décembre, Benghazi, petite capitale de Cyrénaïque,
avec des fiacres, un cinéma, et des cafés, bien entendu.
Sans perdre de temps, dès le lendemain, je reprenais la route,
périlleuse cette fois, car pendant 900 kilomètres je ne retrouvais
pas les troupes anglaises, c’est-à-dire la sécurité.
La route, non entretenue depuis sa création, c’est-à-dire depuis bientôt
dix ans, n’était qu’une fondrière ; mes pauvres pneus furent mis
à mal. Heureusement que j’avais des réserves.
C’était mon deuxième désert, beaucoup plus long et plus
aride que le désert égyptien, avec un parcours Elgheila-Syrte
de plus de 300 kilomètres sans point d’eau. Le manque d’eau ne
m’a nullement gêné car, j’avais toujours avec moi, une certaine
provision. Mais j’ai eu encore à lutter contre un vent violent qui soulevait
le sable, déplaçait les dunes qui obstruaient la route,
et souvent j’ai dû mettre pied à terre en enfonçant dans le sable
jusqu’à mi-mollet. Ma machine et son chargement pesaient rudement ces
jours-là.
Le soir, j’attendais la nuit pour installer ma tente, en évitant
de faire aucune lumière pour ne pas être remarqué des Bédouins,
nomades qui tournent dans le désert descendant jusqu’au Soudan.
LA MONTAGNE du 22 mars 1951
Par la Tunisie et la route des hauts plateaux
J. Lapeyre poursuit son périple
Poursuivant sur son fidèle «VeloSoleX» sa belle randonnée, le jeune sportif
clermontois Jacques Lapeyre, après avoir traversé tout le désert syrtique,
parvient avec un peu de retard, retard provoqué par le vent violent, à
Tripoli.
«A Tripoli», nous déclare-t-il, poursuivant son intéressant récit, « j’ai
repris contact avec la vie européenne, dans une jolie ville aux larges
artères, des magasins avec beaucoup de choix et surtout du vin, et c’est
un avantage appréciable pour un Français qui en est privé depuis plus
d’un mois.
«A la sortie de Tripoli, les vignes et les oasis se succédaient
; il me semblait parfois que je roulais dans un beau jardin exotique ;
pour moi je ne connaissais aucun arbre ayant le charme du palmier ; ses
branches souples éclatent dans le ciel telle une fusée ».
QUELQUES IMPRESSIONS DE VOYAGE
Arrêtant pour quelques instants le fil de la narration, Jacques Lapeyre
nous apporte alors des détails intéressants sur quelques anecdotes qui
émaillèrent son long voyage. Partout il reçut un accueil chaleureux, enthousiaste
même, car partout, en ces terres lointaines, le nom de la France est un
précieux sésame. Très souvent il fût invité à déjeuner, à dîner, à tel
point qu’entre Alexandrie et Tunis il n’a dépensé en tout et pour tout
que 5.000 francs. «Il faut dire» ajoute J. Lapeyre, » que les distractions
étaient assez rares dans le secteur et que l’on a pas l’occasion de changer
ses billets à chaque coin de rue.
«En cours de route, je remarquais que les indigènes avaient su fort bien
utiliser les milliers et milliers de bidons vides (bidons qui avaient
servi au transport de l’eau et de l’essence). Ces bidons constituent un
excellent matériau pour les constructions des nouallas. De temps à autre,
un poste militaire, où j’étais d’ailleurs reçu fort aimablement. Je constituais
une curiosité pour tous ces gens qui n’ont pour tout horizon qu’un ciel
immensément bleu, une mer inlassablement vide et du sable à perte de vue.
»
Certaines régions du désert lui avaient été indiquées comme étant infestées
de pillards bédouins. Jacques Lapeyre rencontre parfois des bandes armées
jusqu’aux dents qui… Le laissèrent poursuivre le plus tranquillement du
monde son chemin. Il ne lui en coûtait parfois que quelques cigarettes…
légère rançon. Les traditions se perdent.
ENCORE DU SABLE ET JE METS LE CAP SUR LA TUNISIE
Puis j’ai retrouvé un peu les sables dans les confins tunisiens, mais
quelle joie de pouvoir enfin parler français à Ben-Gardanne. Ensuite c’est
le réveil de la nature dans la merveilleuse oasis de Gabès, sa plage me
faisait penser à la Polynésie de mes rêves. Sfax, avec sa vieille ville
indigène entourée de remparts, rappelle les premiers temps de la conquête.
Enfin j’étais à Tunis le 11 janvier ; trois mille soixante kilomètres
exactement me séparaient d’Alexandrie et malgré les difficultés et le
vent avec qui je n’avais pas fini « d’en découdre » tout cela n’était
pour moi qu’un bon souvenir.
LE FROID SE MET DE LA PARTIE
Après deux jours d’arrêt à Tunis, je reprends la route en direction d’Alger.
Naturellement, le vent est toujours aussi violent, la vague de froid qui
sévit en Europe se fait sentir jusqu’ici. Un gendarme rencontré au cours
d’une étape m’a signalé que depuis dix ans qu’il résidait en Tunisie,
c’est une des premières fois qu’il utilise sa capote. En somme je suis
chanceux
ET TOUJOURS LE VENT
« En arrivant en Afrique du Nord française, j’avais l’impression
d’en avoir terminé avec, les difficultés. Mais je n’avais pas compté avec
le mauvais temps et principalement le vent qui a soufflé en tempête pendant
plusieurs jours. Les navires ont dû chercher abri dans les ports. Dans
les jardins, les arbres ont été dépouillés et les mandarines et oranges
jonchent le sol. La route de Tabarka-La Calle, que j’empruntais justement
ce jour là a été coupée en divers endroits par des arbres déracinés ou
abattus par la violence du vent ; au débouché d’une gorge, j’ai été personnellement
poussé hors de la route par un souffle brusque et avec plus de peur que
de mal, je me suis retrouvé assis un mètre en contrebas de la chaussée,
dans une molle terre labourée.
DE BONE A ALGER PAR LA ROUTE DES HAUTS PLATEAUX
«A Bône, dans l’espoir de fuir le vent en provenance de la mer,
j’ai décidé de prendre la route de l’intérieur par les hauts plateaux,
Guelma, Constantine, Sétif. Ainsi j’ai évité la bise du nord, mais j’ai,
en revanche, trouvé le froid et la neige ; mais bien que couvert comme
je l’étais avec moufles et veste de duvet, c’était supportable. « Deux
jours avant mon arrivée à Alger, le temps s’est découvert et c’est par
un soleil radieux dans un ciel absolument bleu que j’ai retrouvé le littoral,
après avoir traversé les si pittoresques gorges de Palestio aux pieds
des monts de Kabylie. Il faudrait de longues semaines pour bien connaître
Alger, ville éclatante de blancheur, qui s’étire entre la mer et les montagnes,
au gré des découpures de la côte ».
BILAN DE 7.000 KILOMETRES
A Alger, où il restait un peu plus longtemps que prévu, et où il fut très
bien accueilli par de nombreux amis, Jacques Lapeyre fait le premier bilan
de son voyage
«Sur 7.000 kilomètres parcourus jusqu’à Alger, je n’ai crevé que six fois,
et encore deux fois à 100 kilomètres d’intervalle, sur une route goudronnée
en Algérie. Quant à mon petit moteur d’un demi cheval, dont le ronronnement
régulier fut le compagnon de ma solitude en route, il avait eu une excellente
tenue ».
LA MONTAGNE du 23 Mars 1951
Dernières étapes en Afrique du Nord et le retour en France
par l’Espagne
Après un séjour prolongé à Alger, Jacques Lapeyre ne veut pas quitter
l’Afrique du Nord sans faire une petite incursion au Maroc. Et, après
ce détour, par Tanger, il gagnera l’Espagne, où il prendra la route du
retour vers la France, vers l’Auvergne. Le retour, après un beau voyage.
« L’Afrique du Nord Française,» déclare J. Lapeyre, « fut un peu pour
moi une révélation. Je ne m’attendais nullement à découvrir un pays aux
ressources agricoles si abondantes. Forêts de chêne-liège, vignes ou immenses
champs de blé servaient de décors à des routes en tous points parfaites.
Après l’arrêt prolongé d’Alger, j’ai repris la direction de l’ouest en
direction de Casablanca. La route, apparemment la plus directe pour rejoindre
Tanger, ne s’éloignait pas de la côte, mais traversait le Rif espagnol,
montagneux et d’accès difficile.
Je ne voulais pas quitter le continent africain sans emporter une vision
de notre protectorat marocain.
VERS CASABLANCA
«Après une pénible traversée de la désertique plaine du Guercif et le
passage de la dépression de Taza, j’atteignais enfin l’Atlantique, après
m’être attardé un peu dans la vieille ville de Fès. J’ai quitté à regret
la grande cité de Casablanca créée de toutes pièces par le génie de Lyautey.
Belle, largement bâtie, dominée maintenant par d’imposants buildings,
mais également industrielle et active, cette ville a tous les aspects
d’une grande capitale.
TANGER ET LA TRAVERSEE DU DETROIT
« J’avais quelques appréhensions en arrivant à Tanger, le fameux port
international ; quel accueil m’y serait réservé ? J’ai heureusement retrouvé
un ami qui fut un cicérone parfait et me démontra que la réputation fâcheuse
de la ville cosmopolite était un peu surfaite.
La traversée du détroit, pourtant brève (trois heures) me fut pénible,
sujet à un violent mal de mer. Un fort courant prenait notre bateau de
travers et lui donnait des oscillations invraisemblables. Et c’est couché
sur le pont du bateau que j’ai pu admirer l’imposant roc de Gibraltar.
Le climat continental de l’Espagne ne me permettait pas une pénétration
par Madrid, la route de la côte fut donc choisie.
Un parcours plat, sur une route bordée de plantations de cannes à sucre,
puis de nombreux lacets dans le contrefort de la Sierra Nevada, abrupte
et élevée, m’amenèrent dans les plaines de Murcie, de valence, près de
Tortosa, sur le vaste delta de l’Ebre.
ENCORE ET TOUJOURS LE VENT
« Ma première journée dans la péninsule ibérique a plutôt été décevante.
Une fois de plus, j’ai du lutter contre un vent des plus violents. Ainsi
donc, depuis Alexandrie, j’ai souffert de ce fameux vent d’Ouest. J’espérais
à mon départ de Casablanca et en prenant pour la première fois de mon
voyage la direction du Nord, bénéficier de l’aide du vent et ainsi de
ne plus en subir les effets. Malheureusement, par un coup du sort, le
souffle marin a changé d’orientation et contrairement à mes espoirs, je
vais encore devoir compter avec lui…
J’ai songé un moment, de renouveler ma tactique d’Algérie, c’est-à-dire,
prendre les routes de l’intérieur pour éviter les vents du littoral ;
mais réflexion faite, je conserve mon itinéraire initial.
Je n’ai pas l’impression d’avoir quitté l’Afrique ; les paysages sont
les mêmes ; les petites maisons sans étages blanchies à la chaux sont
souvent recouvertes d’un toit de chaume et rien ne les différencie des
habitations de la route Taza-Rabat. Sur la route, les arabes en djellaba
sont remplacés par des hommes bruns portant casquette, mais les ânes sont
comme au Maroc, chargés de deux hottes en fibre. De tout l’ensemble du
pays, se détache une impression de pauvreté.
LES BONNES SURPRISES DU CHANGE
Notre monnaie est changée ici à un court avantageux, et si mon palais
et mon estomac peuvent s’habituer à l’odeur et à la lourdeur de la cuisine
à l’huile espagnole, base de tous les plats, j’en aurai fini de préparer
une hâtive popote sur mon petit réchaud à essence. Dorénavant je m’offrirai
chaque jour des spécialités du pays que servent avec abondance les restaurants.
Un seul ennui au tableau : le repas du soir est servi à 9 heures, horaire
parfait pour le baigneur ou le flâneur attardé l’été mais actuellement,
avec la nuit tôt venue et la fraîcheur des soirs, je suis assez désoeuvré
en attendant l’heure du dîner.
ET BIENTOT LA FRANCE
Almeria le 4 mars, puis, successivement Murcie, Valence, Tarragone, les
9 et 10 mars, Barcelone, Gerone, furent les principales étapes de Jacques
Lapeyre sur le chemin du retour.
Le 12 mars, par la Junquera, il atteignait la frontière française.
Le beau voyage allait prendre fin, Sète, puis Millau, les gorges du Tarn
et Sainte-Enimie, La Lozère, la Haute Loire et Brioude , dernière étape,
furent parcourus et atteints par Jacques Lapeyre et son fidèle VeloSoleX.
Mais les yeux emplis de magnifiques images amassées depuis des mois, notre
voyageur a accordé un intérêt tout relatif aux gorges du Tarn, sous leur
aspect hivernal.
Après Brioude, les derniers tours de roues et le franc et chaleureux accueil
des amis, des camarades de l’A.C.C. venus à sa rencontre, puis au siège
du club où il reçut les félicitations de ses amis, et notamment de Monsieur
Moine, président de l’A.C.C. et de Monsieur Auchatraire,
représentant fédéral de la maison VeloSoleX. Et c’est ainsi que
le samedi 17 mars, Jacques Lapeyre terminait sa belle randonnée de plus
de neuf mille kilomètres.
EN GUISE DE CONCLUSION
Et comme conclusion de ce récit, nous emprunterons quelques lignes
au carnet de route de Jacques Lapeyre, lignes tracées pour lui,
pour sa satisfaction, et qui n’étaient sans doute pas destinées
à la publication. Elles n’en ont que plus de valeur :
« Dans mon voyage, j’ai vu des hommes et des bêtes, la nature aux
décors si divers, la misère et la beauté du monde, avec
des yeux qui ont appris à voir et avec un esprit qui s’efforce de comprendre
cette leççon de choses sans cesse renouvelée. En Libye et
en Afrique du Nord, j’ai bivouaqué avec des gens les plus simples,
les plus humbles, aux mœurs rudes, partageant leur repas, dormant sous
leur tente, dans des champs, au bord de la route. Et quelque jours après,
grâce à l’exquise hospitalité d’officiers britanniques (hospitalité
renouvelée à plusieurs reprises) je m’asseyais à leur table, portant
un smoking, obligeamment prêté. Face à ces officiers, je savais
que loin de mon pays, je représentais pour eux la France et je
m’efforçais de me montrer digne de cette qualité, sans vain
excès de gloriole ou de forfanterie. Tout au long de mon voyage,
je me suis documenté, instruit, abordant directement les problèmes
locaux, les approfondissant. J’ai accumulé notes, photos,films
et souvenirs. J’ai parfois choisi volontairement d’être modeste,
de manger, de dormir, de vivre comme les pauvres de tous les pays, de
renoncer à la facilité. Indépendamment des autres gains, ces seules
victoires envers moi-même suffiraient au bilan de ma randonnée
».